On les voit tout l’été entourés d’une ribambelle de jeunes et de moins jeunes affairés à leur dériveur. On les voit virailler en zodiac, multipliant leur présence auprès des apprentis marins, prodiguant un conseil ou un encouragement. On les voit scruter l’horizon à l’affût d’un orage ou d’une belle risée.
J’ai été intriguée par ces jeunes, de les voir si responsables et actifs sur le site de notre beau club. J’ai été des plus étonnée en jasant avec eux de leur travail d’été.
J’ai eu envie de vous faire connaître ce travail si inhabituel et des plus diversifié. Quelles sont les exigences du métier? De quoi est-il fait? Quel est le parcours d’un instructeur?
Pour cet article je me suis entretenue avec William Saulnier, un “ancien”, dont le parcours a débuté au Club de voile des Laurentides (CVL) il y a plusieurs années, et qui s’achève ici, cette année. De ces débuts en Optimist à son engouement d’être instructeur, je voulais vous faire connaître la trajectoire professionnelle d’une jeune personne qui s’est développée au sein de notre club avant de prendre son envol vers d’autres destinations.
Au début était l’Optimist
William a fait ses débuts comme bien des jeunes avant lui. Au moment de choisir un camp d’été, ses parents se sont « naturellement » tournés vers la voile. Naturellement, car son papa a navigué en Laser sur le Saguenay. La première journée de voile de William fût bien difficile. À 10 ans, en Optimist, il a dérivé et est entré de plein fouet dans un mur de béton ! Un souvenir qu’il n’est pas prêt d’oublier ! L’année suivante, alors en 420, William avait perdu tous ses repères, nouvelle embûche… Heureusement, en visite au CVL, lors d’un « dessalage relaxe » en Laser Vago, William dépasse toutes ses peurs. Il « débloque » et se sent enfin à l’aise sur un dériveur !
Jeune il admirait les instructeurs, en plus d’apprécier ce travail comme possible job d’été.
C’est lors d’une corvée de printemps, au CVL que François Lauzon, alors directeur de notre école de voile, l’approche. William a alors 15 ans. Il sera assistant instructeur. Le projet d’un emploi d’été à faire de la voile se concrétise !
En avant toute!
Les jeunes qui s’engagent à devenir instructeur ne reculent pas devant l’effort. Ce travail exige une formation très sérieuse et est ponctué d’épreuves diverses.
Ces formations ont pour thèmes la sécurité nautique, le sauvetage en mer, les premiers soins… Elles comptent aussi l’enseignement de la théorie aux apprentis de même que la pratique de la navigation à voile en tant que telle. Bien peu d’entre nous, même marins de grande expérience, sommes formés aussi solidement à la sécurité et à la pratique de la voile !
À la fin de ce parcours intensif de formation, William, alors instructeur entraîné, reçoit un beau compliment de son entraîneur: celui-ci voudrait bien voir William faire partie de son équipe de compétition. À 16 ans, il devient moniteur à l’école de voile du CVL. Il peut certifier un apprenti-marin pour les niveaux 1 et 2 de Voile Canada.
Un travail étudiant pas ordinaire!
Le large éventail des tâches d’un instructeur m’a époustouflée: difficile de s’imaginer la complexité de ce travail de jeunes personnes de 16 ans (et plus)! Ils sont enseignants dans la salle de théorie, instructeurs sur le terrain, encadreurs sur l’eau. Comme c’est un camp d’été, les jeunes sont là pour s’amuser en même temps qu’apprendre les rudiments de la voile. Tout en étant sérieux et ludique, l’instructeur doit constamment adapter son message pour rejoindre les jeunes esprits parfois agités ou craintifs.
L’instructeur prend constamment des décisions: les conditions climatiques sont-elles optimales? Vont-elles changer sous peu? En cas de vents forts, les matelots-en-devenir sont souvent déçus de ne pas naviguer. À quoi et comment les intéresser alors, en salle de théorie ou sur la plage, malgré leur déception?
Sur l’eau, l’instructeur veille à la priorité numéro un en voile: la sécurité des participants. Car dans ce camp d’été, les participants ne sont pas qu’à flâner nonchalamment sur l’eau, à prendre du soleil. Ils naviguent et rencontrent les éléments.
Notre instructeur est aussi conscient qu’il représente un modèle pour les apprentis. Il montre l’exemple implicitement en faisant preuve d’un langage et de comportements respectueux avec le groupe.
Les qualités d’un instructeur?
Selon l’expérience de terrain de William, la patience vient en premier car tous les apprentis n’apprennent pas de la même façon. Il faut aussi avoir une belle prestance, c’est-à-dire être sûr de soi. Les apprentis le ressentent si l’instructeur n’affiche pas de la confiance en soi. Il faut aussi avoir le sens des responsabilités… tout en étant sympathique, afin que les jeunes passent une belle semaine! Il faut être capable d’avoir de l’autorité … en plus de rendre l’enseignement ludique. Un travail exigeant et tout en nuances !
J’avoue qu’à cette partie de l’entrevue, je suis bouche bée d’entendre tout ce que demande le travail d’instructeur de voile! Je demande alors à William quel plaisir il prend à ce travail complexe avec toutes les responsabilités qui incombent? William a un grand sourire et n’est pas long à répondre: les enfants débordent d’énergie positive quand ils sont heureux. De voir un néophyte, en début de semaine, devenir progressivement autonome à trouver le près et à faire ses virements de bord, c’est très gratifiant! Dès la première semaine, être capable d’amener quelqu’un à faire de la voile, wow! De plus, passer du temps sur l’eau dans un travail qui est loin d’être répétitif, c’est plaisant!
Le métier d’instructeur offre aussi des occasions inégalées de développer des qualités qui demeurent et font partie de la personnalité par la suite. Ainsi, pour William, s’est développée une confiance en soi en relation avec les autres. D’avoir été exposé à plusieurs groupes de personnes, il a développé une capacité à diriger un groupe. De plus, être instructeur pousse à améliorer ses aptitudes en voile, de chercher à mieux comprendre certaines notions et à les mettre en pratique, dans le but de mieux l’expliquer par la suite.
Des conseils pour les instructeurs actuels ou en devenir?
Se souvenir que les élèves ont souvent des craintes au début. Que certains n’aimeront pas la voile tandis que d’autres prendront du temps avant de l’apprécier ou d’en être mordu. Certains élèves ont besoin de plus de pratique sur l’eau, d’autres en salle. Mais selon William, le plus important, c’est de ne jamais cesser de s’améliorer.
En route vers de nouvelles aventures
William quitte le métier d’instructeur de voile pour étudier en génie mécanique. Les stages en milieux de l’alimentation, du ferroviaire ou de l’aéronautique le tiendront occupé l’hiver et l’été prochains, il quitte le métier d’instructeur, mais pas la voile!
Je voudrais vous inciter à le féliciter pour son long parcours comme instructeur à notre école de voile et à encourager tous ceux et celles qui le suivront. À leur manière, ils contribuent à rendre notre club vivant. À mon avis, c’est stimulant de voir un jeune s’engager, se développer et soutenir le développement de tant d’autres personnes via l’apprentissage de la voile. C’est fantastique, vous ne trouvez pas, cette situation gagnant-gagnant?
Bravo à tous ces jeunes instructeurs… À ceux qui suivront les traces de William !
Comme William vivez de votre passion et transmettez là au plus grand nombre durant la saison estivale?
Enthousiaste à l’idée d’enseigner la voile ?? Si oui, c’est le temps de passer à l’action, car de nombreuses écoles de voile sont à la recherche d’instructeurs et la Fédération de voile du Québec (FVQ) s’apprête à évaluer, comme tous les ans, une nouvelle cohorte d’instructeurs.