Trente et un Classe 40 au départ de Québec–Saint-Malo, une bataille entre coureurs et architectes

Transat Québec-Saint-Malo

Captain Alternance, le Lift V2 de Keni Piperol.

©Transat Jacques Vabre

Le Clak 40 Dekuple, le premier plan de Class 40 du cabinet VPLP, a été construit par Multiplast.
©Transat Jacques Vabre

Movember, un Pogo S4.
©Romain Marie

La Class 40 affiche une santé insolente. Ils étaient dix-
neuf lors de la dernière édition de la Transat en 2016, ils seront plus de trente cette année. Une jauge judicieuse et stable a fait de la classe l’un des plus grands succès de
la course au large contemporaine. Halvard Mabire qui a remporté Québec—Saint-Malo à deux reprises et dessinéson propre bateau en 2016 est l’un des observateurs privi-
légiés de la classe. « Quand on a vu ce qui se passait en Mini, on a voulu éviter d’arriver à des bateaux complètement carrés. On a vu les scows arriver, on s’est dit que la limite qu’on avait n’était pas assez restrictive. On ne voulait pas de bateaux trop extrêmes, encore plus puissants, avec une flottaison un peu plus longue et qui, dans certaines conditions, auraient pu afficher une différence de vitesse encore plus importante avec les bateaux de l’ancienne génération. La limite de largeur maximum de 45 cm à 20 centimètres derrière l’étrave est très ancienne. La restriction la plus récente date de 2018. Elle limite la largeur à 3,15 m mesurée à 2 mètres en arrière de l’étrave. Cette classe est remarquable à plus d’un titre, et notamment parce que c’est celle où se sont exprimés le plus grand nombre d’architectes : une trentaine au total. C’est une diversité architecturale exceptionnelle. » La Class 40 est désormais largement l’affaire de professionnels qui sont désormais les seuls à pouvoir prétendre remporter les grandes épreuves. Les amateurs éclairés, et bien financés, en sont réduits aux seconds rôles. «La Class 40 a un haut niveau, de super coureurs, une grosse flotte. Elle est moins exigeante que l’IMOCA, mais ça reste sportif» témoigne Vincent Riou. Ces bateaux qui filent couramment à 20 nœuds exigent effectivement un niveau d’engagement important. Raison pour laquelle, tous les coureurs et les architectes ont suivi le chemin emprunté par les IMOCA en redessinant les cockpits afin de mettre l’équipage à l’abri. La compétition se joue donc aussi sur les planches à dessin où cinq principaux cabinets d’architectes se disputent les faveurs des coureurs.

Alla Grande Pirelli d’Ambrogio Beccaria au départ de la Transat Jacques Vabre en novembre 2023.
©Transat Jacques Vabre

L’homme de l’heure en Class 40 est italien. Ambrogio Beccaria a fait appel à ses compatriotes Guelfi et d’Angeli pour dessiner son Musa 40 Alla Grande Pirelli qui a successivement remporté la Transat

a prouvé qu’il pouvait tenir une cadence élevée et un degré élevé d’engagement. Il figure clairement sur la liste des favoris de cette Transat. Un autre Musa 40 est

présent sur la ligne de départ, celui d’un autre italien, Alberto Riva sur Acrobatica, une unité mise à l’eau en 2023.

Jacques Vabre cet automne et la Transat CIC en mai dernier. Il avait pris la deuxième place de la Route du Rhum en 2022. C’est la première fois que la domination française est autant secouée. Beccaria a profité de son expérience de navigation en compagnie de Ian Lipinski pour le dessin de son Musa 40, d’ailleurs largement inspiré du Max 40 de David Raison. On peut voir cette carène comme une évolu-tion du bateau de Lipinski avec de meilleures performances dans le temps médium. Beccaria est convaincu d’avoir trouvé la formule gagnante : « Le point fort du Musa, c ́est qu ́il n ́a pas de point faible.   J ́adore ce bateau sur lequel je navigue depuis deux ans. Il n ́a pas de trou, il est à l ́aise tout le temps. » Ambrogio Beccaria

Acrobatica
©Jean-Marie Liot

Ibsa Group d’Alberto Bona, un Mach 40.5 qui a pris la troisième place de la Transat Jacques Vabre en 2023.
©Thierry Martinez

Sam Manuard est devenu l’un des architectes les plus brillants de la nouvelle génération. Il est aussi coureur au large à l’occasion. Sa série de Mach 40 a débuté en 2011 et a longtemps tenu les avant-postes de la Class 40. Les Mach sont parvenus aujourd’hui à leur sixième version. Toutes les unités sortent de chez JPS Production à La Trinité, l’un des meilleurs chantiers européens de Class 40. Manuard n’a eu d’autre choix que d’emprunter la voie du scow. Il a comme ses confrères beaucoup travaillé sur l’ergonomie du cockpit, beaucoup plus protégé qu’auparavant pour mettre le barreur à l’abri. Manuard est le plus représenté de tous les architectes à Québec avec neuf concurrents dont sept sur des versions récentes. Le dernier né est celui de Quentin Le Nabour, Bleu Blanc Planète Location, lancé cette année. Sur Ibsa Group, Alberto Bona sera un coureur à

surveiller après ses bonnes performances
récentes.

Alternative Sailing
©Transat Jacques Vabre

Everial, le Pogo S4 d’Erwan Le Draoulec.
©Transat Jacques Vabre

Le chantier Pogo Structures fut l’un des précurseurs dans le développement des Class 40. La version du Pogo S2 d’Halvard Mabire avait remporté la Transat en 2012. Le chantier a fait appel à l’une des vedettes contemporainesde la course au large avec Guillaume Verdier, un architecte très sollicité par les écuries de pointe. La carène très tendue est assez radicale avec une faible courbe (rocker) de la ligne de quille. Un bateau très typé pour la brise au portant où l’on a cherché à monter rapidement au planning, mais un bateau exigeant à mener. Six concurrents ont choisi le S4 et parmi eux Vincent Riou, vainqueur du Vendée Globe en 2005. La présence d’une ancienne vedette de l’IMOCA témoigne de la crédibilité de la Class 40. Vincent Riou a choisi d’installer un fletner (volet mobile) sur sa quille. Il se prive ainsi d’un safran. Une expérience dont on ne connaît pas

encore le résultat. Le S4 est définitivement
dans le coup, surtout dans une épreuve au
portant comme la Québec–Saint-Malo.

©Pogo Structures/Guillaume Verdier

Croscall, Lifvt V2 d’Aurélien Ducroz.
©Transat Jacques Vabre

Lombard s’est lancé dans le Class 40
avec l’Akilaria dès la naissance de la
classe. Le cabinet a livré une évolution vers le scow avec le Lift de première génération, Carac pour Louis Duc en 2017. La dernière génération du Lift a remporté la Route du Rhum en 2022 aux mains de Yoann Richomme et une seconde place à la Transat Jacques Vabre avec Amarris d’Achille Nebout. L’ex-figariste Fabien Delahye a également livré une belle copie sur Le Gallais en décrochant la troisième place de la Transat CIC. Le Lift V2 est un bateau polyvalent qui marche très fort dans les allures de reaching un peu serrées. Six concurrents sont au départ à Québec avec des Lift V2 récents. La bataille s’annonce serrée.

Amarris
©Romain Marie

La Boulangère Bio, le plan Raison d’Amélie Grassi lancé en 2021.
©Transat Jacques Vabre

David Raison a révolutionné la course
au large et fait sentir son influence du
6,50 jusqu’à l’IMOCA. La Class 40 ne sera pas où elle est aujourd’hui sans son apport. Il a entraîné dans son sillage tous les cabinets cités précédemment sans toutefois en tirer tous les bénéfices. Il a été plus suivi par ses confrères que sollicité par les coureurs. Trois d’entre-eux, dont Amélie Grassi sur La Boulangère Bio, porteront ses couleurs à Québec. Le scow de Ian Lipinski accuse peut-être un peu de retard sur les derniers nés, mais il va falloir compter sur lui après la course exemplaire qu’il a menée dans la Transat CIC dont il a longtemps occupé la tête. On en saura plus sur le dernier dessin de David lorsque le Crédit Mutuel numéro 202 disputera ses premières courses.

Projet Rescue Ocean

©Transat Jacques Vabre

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